Les chapelles bretonnes : perles discrètes et flamboyantes

En Pays Roi Morvan, on dénombre près de 130 chapelles réparties sur ses communes (source : Morbihan Tourisme). Certaines, nichées dans les bois ou les pâtures, n’ouvrent leurs portes qu’aux pardons. Parmi les plus remarquables :

  • La chapelle Sainte-Barbe du Faouët : perchée sur son éperon de schiste, accessible par 140 marches, elle impressionne avec son pont en pierre suspendu et son style gothique flamboyant (15e-16e siècle). Les pèlerins y venaient déjà pour les vertus guérisseuses de sa source.
  • La chapelle Saint-Fiacre au Faouët : elle abrite un jubé polychrome (1480), considéré comme l’un des plus anciens et raffinés de Bretagne, inscrit Monument historique dès 1891.
  • La chapelle Saint-Hervé à Gourin : reconstruite au 19e siècle sur un sanctuaire plus ancien, avec ses vitraux colorés et son pardon très suivi.
  • La chapelle Saint-Tugdual à Locmalo : mélange de styles, elle témoigne de la ferveur populaire : les bannières brodées, sorties lors du pardon, y résonnent encore de chants en breton.

Ces édifices se distinguent par la variété de leur architecture : clochers tors, porches sculptés, sablières historiées. Ils sont souvent entourés de vieux arbres, calvaires et fontaines guérisseuses, portant la trace du syncrétisme entre christianisme et éléments païens.

Pierres nobles et histoires de familles : manoirs et maisons remarquables

Le Morbihan intérieur n’est pas seulement terre de légendes : dès le Moyen Âge, de nombreuses familles de petite noblesse ou d’armateurs s’y installent. Les manoirs et « maisons nobles », généralement construits entre les 15e et 18e siècles, en sont les témoins.

  • Manoir de Kerroc’h (Ploërdut) : ses éléments gothiques datent du 16e siècle. Remarquable par sa tour polygonale et sa porte en accolade.
  • Manoir de Saint-Trémeur (Le Faouët) : inscrit aux Monuments historiques, il impose par sa façade Renaissance, ses lucarnes à fronton sculpté.
  • Château de Pont-Calleck (Berné) : plus forteresse que château romantique, ses douves et sa motte rappellent l’époque féodale.
  • Demeures de notables à Gourin et Langonnet : certaines arborent blasons, linteaux datés, et sont alignées sur d’anciens axes marchands, témoignant des empires miniatures liés au lin ou à l’ardoise.

Derrière leurs murs : histoires de chouannerie, de familles exilées, voire, pour certains, souvenirs de la grande émigration bretonne aux Amériques (notamment visible à Gourin).

Les halles du Faouët : l’âme du commerce et un joyau d’architecture vernaculaire

Impossible d’évoquer l’architecture du pays sans citer les halles du Faouët. Édifiées avant 1542, elles s’étirent sur près de 1 000 m² et reposent sur 66 piliers de chêne, châtaignier et noyer. Leur charpente maîtresse, en croix de Saint-André, évoque celle des églises du même temps.

  • Les halles servaient à la fois de marché couvert et de lieu d’assemblée municipale.
  • Leur existence symbolise la prospérité des marchands de toile, du lin et du chanvre dans la région, qui, au 17e siècle, rivalisaient avec Landerneau et Pontivy (source : Patrimoine.bzh).
  • Inscrites aux Monuments historiques en 1914, elles sont aujourd’hui intimement liées à la vie locale, accueillant foires, marchés bio et concerts sous leurs vastes poutres.

Elles restent l’un des plus grands exemples d’architecture commerciale traditionnelle en Bretagne, aux côtés de celles de Questembert ou de Clisson.

Calvaires et croix anciennes : des repères jalonnant la vie et l’espace

Parmi les quelque 700 croix et calvaires recensés dans le Morbihan (source : Les Petites Cités de Caractère), le Pays Roi Morvan en conserve plusieurs remarquables :

  • Calvaire de Pouërdut au bourg éponyme : classique du 16e siècle, il présente trois personnages sculptés. Réalisé en granite local, il servait de point de rassemblement lors des processions.
  • La Croix de Penlan (Langonnet) : datée du 15e siècle, elle se distingue par sa simplicité : un seul bras, usé par les intempéries, rappelant d’antiques croix de chemin.
  • Le calvaire de Quelen à Plouray : orné de personnages et d’armoiries, il témoigne du prestige passé du lieu.

Ces croix, souvent érodées, témoignent de la foi fière et discrète des générations successives, mais aussi d’une géographie mentale : elles jalonnent les voies anciennes, les entrées de hameaux, servent de repères lors de la Tro Breizh ou du pardon local.

Reconnaître l’architecture rurale typique du territoire

Le bâti rural du Pays Roi Morvan puise dans ses ressources locales et se distingue par sa sobriété ingénieuse. Voici quelques points clefs pour en reconnaître l’empreinte :

  • Les longères : maisons allongées, alignant pièces de vie, étable et parfois four à pain sous le même toit en ardoise à faible pente. Les murs sont en pierres de schiste ou de granit, joints à la terre.
  • Les chaumières : plus rares aujourd’hui, elles révèlent la dimension modeste et pratique de la vie agricole, avec fenêtres basses et portes épaisses.
  • Linteaux décorés : nombre de fermes portent la date d’achèvement ou un trèfle sculpté, symboles de protection et de prospérité.
  • Petits bâtiments d’exploitation attenants : l’aire à battre, soigneusement pavée, la grange sous appentis ou l’étable jouxtant l’habitation.

Le tout s’inscrit harmonieusement dans le paysage : orientation face au sud, cour fermée à l’abri des vents, puits central.

Vestiges industriels : la transformation discrète du territoire

Bien que rural, le Pays Roi Morvan a connu, dès le 18e siècle, une activité industrielle qui marque encore les paysages et les mémoires.

  • Moulins à eau : le moulin à papier de Pen-Mur (Guilligomarc'h), fondé en 1825, demeure en activité et illustre l’importance du papier dans la région jusqu’à la Première Guerre mondiale (source : Tourisme Bretagne).
  • Mines et ardoisières : à Gourin, Plouray, Berné, les anciennes mines d’ardoise (exploitées dès le 17e siècle) sont encore visibles par leurs crassiers, trémies ou baraquements effondrés.
  • Filatures et ateliers textiles : la toilerie fit la richesse du pays. Certains ateliers de tissage (Le Faouët, Locmalo) ont été réhabilités en salles d’exposition.

Ce patrimoine industriel, souvent menacé, est aujourd’hui valorisé à travers des parcours de découverte (Pays Roi Morvan) et des associations locales.

Petite architecture : fours à pain, fontaines et puits partagés

Impossible de saisir la vie quotidienne d’autrefois sans remarquer la profusion de « petites architectures » :

  • Fours à pain : chaque hameau en possédait au moins un. Ils marquent le socle d’une vie communautaire tournée vers la coopération – la corvée du pain rythmait les saisons et favorisait l’entraide.
  • Fontaines sacrées : de la fontaine de la chapelle Saint-Maur à Berné à celle de Sainte-Barbe au Faouët, ces points d’eau sont vénérés pour leurs vertus guérisseuses. Leur entretien relève aujourd’hui du patrimoine immatériel (source : culture.gouv.fr).
  • Puits de hameaux : souvent couverts d’abris en pierre, ils restent des lieux de mémoire, parfois fleuris, ressuscités lors des Journées du patrimoine.

Les enclos paroissiaux : une spiritualité bretonne sculptée dans la pierre

L’enclos paroissial, typique de la Bretagne, est ici moins monumental qu’en Finistère, mais n’en reste pas moins chargé de symboles :

  • Église, cimetière, calvaire et ossuaire : tels à Locmalo, Le Croisty, Plouray.
  • Clôtures en pierre sèche : elles délimitent le sacré et protègent des intrusions animales ou humaines.
  • Processions et pardons : l’enclos reste le théâtre des rituels collectifs et de la transmission du breton sous la bannière paroissiale.

Moins célèbres que ceux du Léon, ces ensembles révèlent l’attachement des habitants à une foi qui a structuré l’espace public jusqu’à l’époque moderne.

Mémoire et conflits : sites de l’histoire contemporaine

Le patrimoine du Pays Roi Morvan, c’est aussi la mémoire des combats et des espoirs :

  • Stèles de la Résistance : la région, maquis du Centre Bretagne, a vu naître dès 1943 des réseaux actifs ; la stèle du Maquis de Saint-Marcel, aux portes de Gourin, en marque l’un des épisodes majeurs (source : Résistance Bretonne).
  • Mémorial du Camp de Glomel : vestige de l’effort de construction du canal de Nantes à Brest sous Napoléon, le camp rappelle le destin tragique des prisonniers ayant creusé le Blavet.
  • Statues et plaques commémoratives : elles honorent aussi bien les poilus d’Orient que les enfants de Gourin partis tenter fortune en Amérique.

Préserver, transmettre, réinventer : initiatives locales en faveur du bâti ancien

Nombre de ces bâtiments doivent leur survie à un réseau d’associations et de passionnés. Parmi les initiatives incontournables du territoire :

  • Les associations de sauvegarde : à l’image de l’Association de Sauvegarde du Patrimoine de Locmalo, de Langonnet ou du Faouët, qui restaurent chapelles, croix et petits ponts de pierre grâce à des chantiers bénévoles.
  • Le label « Petites Cités de Caractère » : obtenu par Le Faouët, il implique des plans de valorisation et de restauration du centre-bourg.
  • Subventions et opérations « placards vides » : la Communauté Roi Morvan Communauté propose aides et accompagnements pour la restauration du bâti traditionnel, avec 23 chantiers accompagnés entre 2017 et 2022 (source : Roi Morvan Communauté).
  • Événements et visites guidées : Fête des Chapelles, Journées du Patrimoine, parcours patrimoine en été.

Ce nouveau souffle ne cherche pas à muséifier le pays mais à y maintenir une vie locale, en réinventant les usages : les chapelles accueillent parfois concerts ou expositions, les halles hébergent marchés de producteurs et débats… La sauvegarde, ici, c’est d’abord une histoire d’attachement, de bras levés lors d’une corvée ou d’un sourire devant un pan de mur remis à neuf.

Vers un patrimoine à hauteur humaine

Le patrimoine architectural du Pays Roi Morvan ne se laisse jamais réduire à une carte postale. Son vrai trésor ? Être toujours au cœur de la vie quotidienne, de la ferveur associative à l’art de réparer ensemble, du pardon aux fêtes païennes, en passant par le grand marché du samedi matin. Ici, chaque pierre n’est pas seulement un vestige, elle est une promesse de lendemains. Explorer ce territoire, c’est donc écouter ce que les murs, les toits et les mains d’hier murmurent aujourd’hui – et peut-être, leur répondre.

En savoir plus à ce sujet :

Réseaux sociaux

© paysroimorvan.com