Un territoire de l’intérieur, entre chaos granitiques et vallées oubliées

Le cœur du centre-Bretagne, niché dans le Pays du Roi Morvan, déroule une topographie étonnamment variée. Ici, oubliez les reliefs monotones ou les horizons uniformes : tout ondule, se déplie, se cabre parfois, et crée du relief autant que des histoires à raconter. Si le regard se heurte à des collines massives et à des crêtes boisées, c’est le fruit d’une longue histoire géologique et d’une main humaine attentive ou intraitable.

Sur une superficie d’environ 600 km² (source : Communauté de Communes du Roi Morvan), ce territoire concentre des éléments de reliefs qui en font une Bretagne vraiment à part. Le Roc’h Toullaëron veille à 318 mètres d’altitude sur Gourin et ses alentours, point culminant du Morbihan. À sa suite, le relief dessine des lignes de crête continues, des vallées profondes creusées par des affluents du Scorff, de l’Ellé ou de l’Aër, et des plateaux granitiques dont l’aridité contrastent avec les fonds humides.

Les grandes lignes de force du relief : crêtes, domes et vallées

Passons en revue ces principales composantes du Pays Roi Morvan, qui lui donnent cette identité paysagère si affirmée.

Les crêtes : l’ossature du pays

  • La crête du Roc’h Toullaëron : c’est la plus connue, à 318 m, avec ses sentiers balisés (GR38) et ses landes rases. On y marche sur la "colonne vertébrale" du territoire. Par temps clair, on aperçoit la presqu’île de Crozon à plus de 60 km et même les Monts d’Arrée à l’horizon ouest (source : IGN).
  • La ligne Le Faouët – Berné : cette "petite dorsale" oscille entre 180 et 250 mètres d’altitude. Elle suit, entre bois, champs et talus, une série de vieux chemins creux, héritage médiéval souvent bordé de châtaigniers centenaires.
  • Les panoramas sur les crêtes secondaires : La colline du Minez Du (242 m à Locmalo) ou le sommet de la forêt de Pont-Calleck offrent aussi des vues exceptionnelles sur le territoire.

Les vallées : entailles profondes et corridors de vie

  • La vallée de l’Ellé : creusée depuis l’ère primaire dans un socle de schiste et de quartzite, elle a modelé des gorges profondes, souvent boisées. Sa sinuosité a été longtemps un frein à la circulation, préservant faune et flore.
  • La vallée du Scorff : large, encaissée, ponctuée de chaos rocheux (notamment à Kernascleden et Saint-Tugdual), elle accueille aujourd’hui une grande diversité d’oiseaux aquatiques, dont la rare loutre d’Europe (source : Observatoire de la biodiversité de Bretagne).
  • Les fonds de vallée humides : on y trouve encore des moulins (60 identifiés rien que sur le Scorff), des prairies inondables et parfois des vestiges de zones de tourbières.

Géologie sous-jacente : entre granit, schiste et quartzite

Ce paysage n’est pas né du hasard : il se fonde sur une diversité géologique frappante, témoin de mouvements vieux de plusieurs centaines de millions d’années (GéoBretagne).

  • Le granite : reconnaissable à ses sols maigres, cailloux ronds et chaos, il structure la majeure partie des hauts reliefs de Gourin, Ploërdut et Langonnet. Le site de Saint-Hervé, à Gourin, propose d’ailleurs un sentier d’interprétation des formations granitiques locales.
  • Le schiste et le quartzite : ces roches, plus tendres ou fortement métamorphisées, forment les fonds de vallée. Leur couleur plus sombre, presque bleutée après la pluie, modèle le lit de l'Ellé ou de l’Aër, caractéristique de la région.

La diversité de ces sous-sols façonne non seulement les paysages, mais aussi les sols agricoles et les savoir-faire artisanaux (extraction, outils de tailleur de pierre).

Des reliefs qui sculptent la vie quotidienne

Dans le Pays Roi Morvan, on ne fait rien “comme ailleurs” : quantité d’éléments de la vie courante sont dictés – ou inspirés – par le relief.

Météo, agriculture et organisation des villages

  • Des microclimats locaux : L’altitude moyenne (souvent 200 m) ralentit ici l’arrivée du printemps, et explique parfois la rudesse des hivers. Il n’est pas rare de trouver de la neige sur les crêtes de Gourin tandis que Lorient, à 40 km, reste vert (source : Météo Bretagne).
  • Pâtures et cultures : Les plateaux granitiques, plutôt pauvres, étaient réservés au pâturage ovin ou bovin. Les cultures se concentraient dans les fonds, riches en limon. Cette structuration claire perdure : les “yeun” (zones humides) alternent toujours avec des espaces bocagers ouverts.
  • Villages et hameaux perchés : Beaucoup de bourgs, comme Plouray ou Le Faouët, s’étendent sur les croupes, juste à la limite des crêtes pour éviter les grandes inondations et capter la lumière du soleil.

Infrastructures et déplacements : une adaptation constante

  • Voies anciennes : Les chemins de crête n'étaient pas choisis par hasard : ils permettaient d’éviter les marais de fond de vallée et de relier les paroisses. Les tracés sinueux de la D769 ou de la D1, aujourd’hui encore, suivent parfois d’anciens chemins de contrebande.
  • Réseaux de randonnée : Le relief permet aujourd’hui un maillage exceptionnel : plus de 250 km de sentiers balisés sur l’ensemble du Pays Roi Morvan (source : Office de Tourisme Roi Morvan Communauté).

Crêtes et patrimoine : landes, bois et points de repère

Zones naturelles et patrimoine écologique

Les crêtes du territoire ne sont pas de simples lignes sur la carte : ce sont des espaces de biodiversité, mais aussi de mémoire.

  • Landes atlantiques : Les crêtes de Langonnet, Gourin ou Persquen accueillent des landes aux bruyères violettes, ajoncs crépitants et bancs de pozzolan. Sans entretien, elles se referment vite, et des initiatives citoyennes mènent régulièrement des opérations de fauche ou de brûlage dirigé (source : Bretagne Vivante).
  • Bois et haies : La lisière des crêtes sert de refuge à une faune forestière exceptionnelle : genette, pic noir, chauve-souris grande noctule.
  • Sites sacrés et bornes anciennes : D’anciens menhirs, croix de granit et tumulus jalonnent les crêtes, comme à Saint-Caradec-Trégomel ou Pont Calleck. Ces lieux servaient de repères pour les pèlerinages (source : Inventaire du patrimoine culturel, Région Bretagne).

Panoramas et sentiers thématiques

  • Le sentier de la Roche du Diable : sur la commune du Faouët, il serpente sur la crête surplombant les gorges de l’Ellé. Ici, on dit que les sifflements du vent sont la voix du Diable – une légende rapportée par Anatole Le Braz.
  • Le chemin des crêtes de Langonnet : il offre des points de vue saisissants sur la forêt domaniale, et reste très apprécié des amateurs de VTT en quête d’aventure.

Un relief inspirant pour la culture et la créativité locale

  • Traditions orales : Les crêtes sont le décor de nombreuses veillées et récits populaires. Beaucoup de contes liés à des lutins ou des "nains des landes" situent leur action sur ces hauteurs, lieux de passage ou de mystère.
  • Pratiques artistiques : Depuis la fin du XIXe siècle, des peintres bretons (Yvonne Jean-Haffen, Mathurin Méheut) ont porté sur toile les lumières rasantes et les contrastes du relief du Roi Morvan.
  • Fest-noz et fêtes du sommet : Il n’est pas rare qu’en été, des associations organisent des festoù-noz ou des veillées sur les hauteurs, avec vue sur la lande au couchant et tables d’hôtes improvisées.

À la découverte de paysages vivants

Du Roc’h Toullaëron aux sentiers secrets de la vallée du Scorff, le relief du Pays Roi Morvan exprime une énergie particulière : celle d’un territoire forgé par la géologie, l’histoire et le labeur de ses habitants. Les crêtes sont autant de repères pour randonneurs que de lignes de force pour la vitalité locale. S’y promener, c’est toucher du doigt la diversité d’une Bretagne moins connue, mais résolument habitée et vivante.

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