Les villages marqués par la Grande Guerre : Monuments aux morts du cœur de la Bretagne

Impossible de traverser une place de bourg, d’ignorer une rue principale, sans y croiser l’un de ces monuments de granit, sobres, érigés à la mémoire des “enfants du pays”. Les statues de soldats au repos, ou les simples obélisques frappés de la Croix de Guerre, rappellent que la Première Guerre mondiale fut une saignée nationale et locale.

  • Chiffres marquants : Dans le Morbihan, près de 18 000 hommes sont morts au combat durant le conflit de 1914-1918 (Mémoire des hommes - Ministère des Armées). À Gourin, on recense plus de 400 noms gravés, soit pour certains villages, jusqu’à près de 10 % de la population d’avant-guerre rayée par le front.
  • Spécificité locale : De nombreux monuments du centre Bretagne portent des inscriptions bilingues français-breton, une revendication très présente dès les années 1920, signe que même la douleur demeurait ancrée dans l’identité linguistique.
  • À voir : Le monument aux morts de Le Faouët (en forme d’obélisque et richement décoré de symboles) ; celui de Langonnet, encadré de drapeaux, ou encore la statue du Poilu à Ploërdut, un des rares de la région à représenter un soldat en pied, sabre au clair.

Ces lieux accueillent chaque 11 novembre des cérémonies où l’on ne retrouve pas que des officiels : beaucoup de familles, d’anciens ou de jeunes, perpétuent une tradition qui n’a rien perdu de son actualité dans les villages.

La Seconde Guerre mondiale : hauts-lieux de la Résistance et souvenirs de l’Occupation

Le Pays Roi Morvan, avec ses bois sombres, vallées encaissées, a toujours été propice aux passages discrets. Durant la Seconde Guerre mondiale, c’est un théâtre privilégié pour la Résistance bretonne et un témoin douloureux de la répression nazie.

Stèles de la Résistance : pierres silencieuses et vivantes

  • Sites majeurs :
    • Landes de Glomel (Côtes d’Armor limitrophe) : Maquis installé dès 1943, dont les traces sont visibles sous la forme de stèles, panneaux explicatifs et parfois reconstitutions. Ici se sont déroulées d’impressionnantes opérations de parachutages (Source : France 3 Bretagne).
    • Stèle du Scorff (près de Kernascléden) : Hommage aux résistants arrêtés et torturés, puis exécutés lors d’une rafle le 11 juillet 1944, à la veille de la Libération du Morbihan.
    • Panneaux de mémoire à Priziac : La commune expose, sur le chemin menant au lac, une série de panneaux pédagogiques retraçant la vie sous l’Occupation et le rôle des réseaux de passeurs et de la population locale.
  • Lieux d’exfiltration et de caches : Plusieurs fermes isolées de la région (dont certaines visitables en été lors des Journées du Patrimoine) servirent de caches d’armes et de refuges pour les aviateurs alliés abattus. Par exemple, la ferme de Kerhervé à Berné, sauvagement incendiée par les nazis, est aujourd’hui marquée d’une plaque commémorative (Source : Histoire-Bretagne.fr).

Les traces de l’Occupation dans le patrimoine bâti

Dans de nombreux bourgs et villages, l’ancienne Kommandantur (QG allemand) est parfois signalée, comme à Le Faouët ou Saint-Tugdual, rappelant que suffisamment d’Allemands furent présents pour imposer couvre-feu, perquisitions et rationnement. Certains bâtiments, cités dans les archives communales, conservent encore le souvenir de ces heures sombres (caches murales, traces d’impacts).

Des sépultures qui parlent : les cimetières militaires et civils

Certains lieux de mémoire se nichent à l’endroit le plus humble : le cimetière communal. À côté des sépultures du quotidien, quelques tombes à la pierre différente, ornées de la croix latine britannique ou de la croix de Lorraine, racontent la présence de soldats alliés tombés ici, ou de résistants fusillés.

  • Cimetière de Guémené-sur-Scorff : Tombe de deux membres de la RAF, abattus en 1944 et enterrés aux côtés des habitants ; régulièrement fleuries, témoignant de la fidélité du souvenir chez les riverains.
  • Répartition des cimetières militaires en Bretagne : On recense une trentaine de lieux en Morbihan où sont inhumés des soldats non français, datés des deux conflits mondiaux, dont une partie en centre Bretagne (Chemins de mémoire - Cimetière de Ploemeur).
  • Récits locaux : Plusieurs familles de Priziac, Berné ou Gourin accueillent encore aujourd’hui en été, lors de commémorations privées, les descendants de soldats américains ou anglais venus "retrouver la terre" de leurs aïeux.

Mémoriaux de guerres plus anciennes et patrimoine oublié

Si la mémoire des deux guerres mondiales domine l’espace public, le territoire du Roi Morvan conserve aussi des traces de luttes plus anciennes : la Chouannerie, la Révolution, la Guerre de Succession de Bretagne et même les affrontements franco-anglais du Moyen-Âge.

  • Fontaine Saint-Colomban (Saint-Tugdual) : Lieu de rassemblement des Chouans en 1795. De petits ex-voto, parfois anonymes, sont retrouvés lors des restaurations de la fontaine. L’association locale Morvan d’Arvor propose chaque automne une animation pour retracer ces événements, mêlant témoignages et archives.
  • Libération de Le Faouët en août 1944 : Un pan de la place des Halles porte discrètement, gravée sur une pierre, la date de la libération du bourg, marquant l’emplacement où le drapeau français fut hissé après le départ des troupes allemandes. Une anecdote souvent racontée lors des visites guidées de l’office de tourisme.
  • Les croix balisées du GR38 : Le chemin de grande randonnée qui traverse le pays est jalonné de croix en granit parfois très anciennes, témoins de conflits religieux ou seigneuriaux du XVI et XVII siècles, dont la tradition orale a conservé le souvenir (voir "Itinéraires sacrés en Bretagne", Jean-Pierre Le Mat, Coop Breizh).

Des initiatives qui font vivre la mémoire autrement

Si la mémoire se grave dans la pierre, elle se transmet par la voix et le geste.

  • Balades guidées : Chaque été, plusieurs associations organisent des parcours sur les traces de la Résistance ou de la Grande Guerre, à Gourin, Le Croisty ou Langonnet. Ces balades sont jalonnées de lectures de témoignages, parfois ponctuées de petits spectacles ou de moments de recueillement (voir Office de Tourisme du Pays Roi Morvan).
  • Collectes de souvenirs : Depuis 2014, le Pays Roi Morvan Communauté a lancé un projet de collecte de carnets, lettres et objets liés aux conflits du XX siècle. Ces éléments sont régulièrement exposés à la médiathèque de Gourin ou dans des expositions temporaires (“Mémoires vives du Roi Morvan”).
  • Projets pédagogiques scolaires : À Le Faouët ou Plouray, les écoles primaires réalisent avec les élèves des carnets d’enquête familiale sur la guerre, qui sont ensuite mis en ligne ou présentés lors de la Semaine Bleue (thématique “mémoires et transmissions” de l’année 2023, Source : Ouest-France, 13 octobre 2023).

Des conférences, projections, chantiers participatifs de réhabilitation de croix ou de vieux calvaires se multiplient, portés par des bénévoles attachés à ce passé, sans pour autant jamais céder à l’esprit de musée figé. Ici, la mémoire vit, chemine, remonte dans la conversation lorsqu’on évoque un lieu ou un nom de famille, lors d’une fête ou d’un marché.

La mémoire à portée de pas : pistes pour découvrir les lieux emblématiques

  • Itinéraires conseillés :
    • Balade “Les résistants du Blavet” : boucle pédestre entre Inguiniel et Lignol (15 km, balisage jaune, départ église d’Inguiniel).
    • Circuit “Patrimoine et conflits” au départ du Musée du Faouët (visite guidée à certaines dates, voir muséedufaouet.fr).
  • Lectures : "Les chemins de la mémoire en Bretagne", Éditions Ouest-France, 2017 ; "La Résistance en Morbihan", Editions Le Télégramme, 2020.
  • Documentation en ligne :

Patrimoine et territoire : la mémoire entre recueillement et transmission

Dans le Pays Roi Morvan, chaque croix de granit penchée sous la mousse, chaque monument un peu oublié au cœur d’un bourg, chaque plaque gravée dans le silence d’une ruelle sont autant de fils reliant hier à aujourd’hui. Les lieux de mémoire, loin d’être figés, restent vivants grâce aux gestes de celles et ceux qui les fréquentent, les entretiennent, s’y recueillent ou racontent leur histoire autour d’un café ou lors d’une balade.

Chaque pierre, chaque nom gravé témoigne d’un passé où la communauté a su se souder face à l’adversité. Garder vivantes ces mémoires, c’est aussi comprendre la vitalité d’un territoire profondément attaché à ses racines, mais résolument tourné vers l’avenir.

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