Un monument à part dans la Bretagne intérieure

Nichées au centre de la petite ville du Faouët, dans le Morbihan, les halles fascinent autant les promeneurs de passage que les amoureux du patrimoine local. Leur imposante silhouette, toute de bois vêtue, veille sur la place centrale depuis près de 400 ans, offrant l’un des plus beaux témoignages d’architecture civile bretonne d’Ancien Régime. Ici, on ne parle pas seulement d’un lieu de commerce mais d’une œuvre où se lisent un savoir-faire et une histoire profondément enracinés.

Une date de naissance qui étonne : pourquoi le XVIIe siècle marque-t-il une rupture ?

On attribue généralement la construction des halles du Faouët à l’année 1542 (voir panneau d’information sur site et base Mérimée du Ministère de la Culture). Pourtant, des experts estiment que leur état actuel résulte d’importantes campagnes de rénovation au XVIIe siècle, comme en témoignent la charpente et certains éléments de structure. C’est ce mélange des siècles qui donne à l’édifice toute sa richesse : l’ossature médiévale voisine avec une restauration ambitieuse à l’époque de Louis XIII. À titre de comparaison, moins de 50 halles couvertes en bois du XVIe et XVIIe siècles subsistent aujourd’hui en Bretagne, preuve de la rareté de ces témoins (source : « Patrimoine des communes du Morbihan », Flohic, 1996).

L’art de la charpente en Bretagne : une leçon d’ingéniosité

Passer sous la forêt de poutres des halles, c’est découvrir un univers d’habileté artisanale. La charpente du Faouët dépasse les douze mètres de haut et s’étend sur plus de 700 m², ce qui en fait l’une des plus grandes halles de la région (source : Recensement des halles, « Fondation du patrimoine »). Mais au-delà de ces chiffres, c’est la structure elle-même qui force l’admiration :

  • 36 piliers en chêne soutiennent l’édifice, certains d’un seul fût (un seul morceau de bois de la base jusqu’à la sablière), parmi les plus longs jamais utilisés en Bretagne à l’époque.
  • Le système d’assemblage à tenons-mortaises sans clou, uniquement par emboîtement et chevillage, illustre le génie des charpentiers bretons.
  • La couverture en ardoises, posées « à pureau décroissant », typique des constructions civiles d'envergure, garantit à la fois isolation et longévité.
  • Des éléments sculptés—quelques têtes de lions ou de personnages—montrent la fierté locale et l’inspiration mêlée du gothique tardif et de la Renaissance.

Le bois employé provenait des forêts toutes proches, notamment de la forêt de Pont-Calleck. Il fallait au moins 5 à 10 ans pour pourvoir les chênes nécessaires au remplacement d’un seul pilier, ce qui rend aujourd’hui leur préservation d’autant plus précieuse (source : témoignage de l’Association Sauvegarde du Patrimoine du Faouët, 2023).

Les halles, miroir d’une Bretagne commerçante et rurale

Plus qu’un simple bâtiment, les halles sont le reflet vivant d’un mode de vie régional. Jusqu’au XXe siècle, elles accueillaient chaque samedi le grand marché de la ville, quand la commune était le centre économique d’un vaste canton. Des producteurs de tous les villages alentour, de Lanvénégen à Meslan, y venaient échanger céréales, bestiaux, textiles et poisson remonté du littoral.

Quelques chiffres : vers 1800, Le Faouët comptait près de 3 400 habitants et quelque 150 à 200 marchands sur la place les jours de marché (source : Archives départementales du Morbihan, série E). Les halles offraient un abri essentiel contre la pluie et le vent, permettant la tenue d’un marché hebdomadaire quelles que soient les saisons—une rareté à l’époque.

Aujourd’hui encore, les foires de printemps et d’automne investissent l’espace sous les halles : brocantes, marchands de produits bretons et rencontres associatives y perpétuent une convivialité héritée.

Une identité bretonne lisible dans chaque poutre

L’architecture des halles du Faouët révèle un visage typiquement breton, affirmé :

  • L’ossature apparente : Contrairement aux halles du Sud-Ouest ou du Centre de la France aux murs massifs, ici, le bois se donne à voir, atelier ouvert sur la vie du bourg.
  • La toiture à deux pans très marqués : Une pente accentuée qui évacue l’eau et rappelle le climat breton, exigeant sur la construction.
  • Les détails sculptés : Si la décoration reste sobre, quelques sablières ornées ou consoles sculptées affichent le savoir-faire local et le goût d’un décor discret mais bien breton.
  • Le plan rectangulaire ouvert précise que chaque commune bretonne plaçait la vie collective et marchande au centre, l’église en vis-à-vis sur la même place.

Selon l’inventaire réalisé par la DRAC Bretagne, on compte moins de dix halles à structure bois de cette ampleur dans toute la région. Les halles du Faouët figurent donc parmi les ultimes témoins d’un modèle architectural où simplicité, robustesse et intégration au paysage priment.

Protection, restauration et transmission : vers une nouvelle vie patrimoniale

Classées monument historique depuis 1934, les halles ont fait l’objet d’importantes restaurations, la dernière en date achevée en 2006 sous la supervision des Architectes des Bâtiments de France : remplacement de quelques piliers, consolidation de la charpente, reprise totale de l’ardoise de couverture. Deux millions d’euros ont été investis par l’État, la Région et la commune pour ces travaux (source : Ministère de la Culture, Dossier « Protection du patrimoine »).

Leur entretien régulier fait aujourd’hui appel à des compétences rares : charpentiers-tailleurs issus de compagnonnage, ardoisiers expérimentés, architectes spécialisés. Le site accueille par ailleurs des visites guidées, des expositions, et de plus en plus d’événements culturels qui redonnent vie à cet espace central.

Pour les scolaires comme pour les visiteurs, s’immerger sous ces arches, c’est comprendre en direct l’histoire économique, sociale et artistique de la Bretagne intérieure.

Un patrimoine vivant, entre mémoire locale et rayonnement régional

Les halles du Faouët illustrent l’incroyable capacité de résilience et d’innovation d’une région qui, loin des grands centres urbains, a toujours su cultiver une identité forte. D’année en année, l’édifice inspire restaurations de halles dans d’autres bourgs (comme à Questembert ou à Plouescat). Témoins uniques de la vie communautaire bretonne, elles créent le lien entre l’intime et le collectif.

  • Pour les locaux : un espace de marché et de rencontres, toujours animé.
  • Pour les curieux : un chef-d’œuvre de charpente, ouvert à la contemplation et à la visite.
  • Pour les plus jeunes : un support pédagogique pour comprendre les métiers du bois et les enjeux du patrimoine.

Au Faouët, chaque marché sous les halles rappelle que l’architecture n’est pas qu’une affaire de pierres ou de planches : elle est ce qui fédère, accueille, raconte et transmet, du passé au présent—et déjà vers demain.

Références et ressources pour prolonger la découverte

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